(Texte de la Causerie donnée à l’Assemblée Générale de PORNIC-HISTOIRE, le 3 avril 2004.)
Nous nous bornerons, aujourd’hui, qu’à évoquer les mouvements de notre flottille dans le cabotage le long de nos côtes Atlantique, Manche et Mer du Nord.
- Tout d’abord le petit cabotage, effectué par les barques inférieures à 10 tonneaux, depuis Pornic mais essentiellement de La Plaine vers Nantes.
- L’étude de nos expéditions de vin vers la Bretagne, à travers une étude succincte des Registres des Droits d’octroi de Pornic et de la Plaine des années 1749-1750.
- Que du cabotage qui nous reliera aux ports depuis les Flandres, Ostende, Bruges, Newport, Dunkerque, Rouen, Vannes, La Rochelle, Bordeaux, Saint-Jean-de-Luz jusqu’en Espagne, Bilbao, La Corogne etc. et qui verra s’activer les barques de 20 tonneaux et plus.
Nous n’évoquerons pas les voyages en droiture, c’est-à-dire depuis Nantes ou Paimboeuf vers les Antilles : Saint-Domingue, la Guadeloupe, la Martinique, où plusieurs familles de Pornic et de La Plaine ont des intérêts.
- Ni du Commerce de la traite, si florissant au XVIIIe et plus discrètement jusqu’au milieu du XIXe, qui là aussi verra de nombreux capitaines, officiers mariniers, matelots et mousses sortir de nos paroisses de Pornic, du Clion, de La Plaine et autres paroisses de la baie. Tel un René De Ruays, un Quatreville, sans oublier les Fourneau et bien autres encore qui ne me reviennent en mémoire.
Nous évoquerons, en fin de conférence, une famille de notables de la baie de Bourgneuf : Les Leray…
Notre étude n’a fait que « surfer » sur cette période, et a pour but non pas de faire un recensement de toute la flottille, mais de connaître quelques participants, leurs destinations et le type de marchandises transportées.
Mais elle met, néanmoins, en valeur l’activité de ce quartier maritime de Bourgneuf, qui comprenait Bourgneuf bien sur, Les Moutiers avec son annexe en évolution La Bernerie, Pornic et La Plaine, mais il ne faut pas oublier Le Clion qui fournira plusieurs équipages.
LE PETIT CABOTAGE DES BARQUES DE MOINS DE 10 TONNEAUX ;
Toutes ces barques ne feront que des navettes entre La Plaine ou Pornic et Nantes.
Années considérées 1738 et partiellement 1739.
« LE JEAN-RENE » 8 tonneaux – Maîtres de barque Michel Leray de la Plaine puis Nicolas Fourneau.
« LA SUZANNE » 8 tx., Pierre Fourneau de La Plaine.
« LA MARIE-LOUISE » 9 tx. G. Bonneau de La Plaine.
« L’ANNE-MARIE » 9 tx. Mathurin Isanquard de Pornic.
« LA MARIE-ROSE » chaloupe de 3 tonneaux, Jean Mahé de Pornic.
Toutes ces embarcations partiront de :
- La Plaine avec des chargements composé de quelques tonneaux de froment (2, 3 voire 4) ou pour l’un avec sept septiers, des barriques de vin pour La Fosse, La Chézine ou Trentemoult, certains avec 11, 15 et même 21.
L’appellation « Vin de Nantes » est inscrit sur les registres pour quelques-unes.
Elles en reviendront, avec des barriques de vin d’un autre cru que celui de nos côtes, de la chaux, des planches, des ardoises, en somme des matériaux pour la construction. Du feuillard (Branches de châtaigner ou de saules, fendues en deux dont les tonneliers se servent pour cercler les tonneau.). Quelques barriques vides, du meuble et autres marchandises permises…
- Pornic : « L’ANNE-MARIE » partira chargée de 29 barriques de vin et d’un demi tonneau d’eau-de–vie et reviendra avec un tonneau et demi de vin et de huit milliers de fer ?.
La chaloupe « LA MARIE-ROSE » sera chargé de sel au départ pour revenir avec du sucre et du savon et autres marchandises permises.
Que pouvait valoir de telles embarcations ? Une réponse nous est fourni par l’acte de cession de parts dans la barque « LA SAINTE-ANNE » de Noirmoutier en 1726, entre le sieur Estienne Le Jaud, maître de barque de Noirmoutier et honorable homme Jean Richard, capitaine de navire :
« Scavoir est la quatriesme partye de ladite barque la Sainte Anne, à present dans ce havre sur les ancres, du port de 15 tonneaux ou environ, avec la quatriesme partye de ses agrès, aparaux et petit bateau et prete à prendre marchandises, pour et moyennant la somme de deux cents livres en principal. »
Ce qui nous donne : Huit cents livres.
Pour la période 1749-1750, nous étudierons Les Registres de Droit d’Octroi des bureaux de La Plaine et de Pornic.
Le bureau de La Plaine se situait au port du Cormier, celui de Pornic vraisemblablement sur les quais.
Un droit de huit sols par pipe (2 barriques) de vin du comté nantais, était acquitté au moment du départ, au profit de la ville et des hôpitaux de Nantes.
Pour La Plaine nous enregistrons :
en 1749 :
- 19 expéditions pour un total de 144 ½ barriques, 1 tierson plus une barrique de boisson.
En 1750 :
- 9 expéditions pour un total de 365 barriques : 351 pour la vente et 14 pour la « provision » des Plainais expatriés à Paimboeuf, pour la plupart des charpentiers de navire ou à bord de bateaux en partance et dont l’une pour un recteur de paroisse.
Pour Pornic :
En 1749
- 10 expéditions pour 28 barriques.
En 1750 :
- 15 expéditions, 204 barriques.
Nous ne parlerons pas ici des différents expéditeurs ou vendeurs de leur production. Mais nous retrouvons de Hillairet, des Bonamy, des Druais de la Sauvagerie, des Pinet, des Fourneau, des Leray, des Roguet pour La Plaine.
Des Penot, des Baulon, des Rousse, des Coueffé… pour Pornic.
Pour La Plaine, les destinations sont :
- Belle-Ile, Nantes, Frossay, Paimboeuf, Noirmoutier, Vannes et Lorient.
Pour Pornic :
- Essentiellement Noirmoutier, puis Rennes avec pour destinataires : Pitteux avocat à la Cour, Leray des Mandonnières procureur, Lebreton et Bordet procureurs au Présidial, puis Auray et Ploërmel.
Nos vins blancs avaient une certaine renommé, notamment le gros-plant ou la folle blanche, peu d’envoi de vin rouge.
LE CABOTAGE DES 20 TONNEAUX ET PLUS
Comme vous avez pu le remarquer, nous n’avons pas encore parler du Sel de la Baye.
La Baie en s’envasant ne permettait plus aux navires de fort tonnage d’aller chercher la production de sel des Salines de Bourgneuf, de Bouin ou de Beauvoir.
Cette source de richesse connue et reconnue de tout temps et que surent mettre à profit La Hanse et qui du concentrer tous ses approvisionnements sur les salines de Guérande au XVIIe, de même que les Espagnols.
Au XVIIIe, apparemment, seuls les Espagnols continuèrent d’acheter le sel de la Baie.
Faute de pouvoir introduire dans ce fond de baie leurs navires, ils surent utiliser et mettre à profit des barques locales de faible tonnage et au tirant d’eau adapté, pour rapporter à Nantes cette production.
Les commis du « PARTY » du sel, le collectaient et le stockaient dans les « GRENIERS DU PARTY DU SEL » à Nantes.
(PARTY : Communauté de marchands espagnols)
Voici la liste de quelques barques qui se chargèrent d’effectuer le transfert durant la période 1726-1748 et les noms de leurs propriétaires.
« LE DONATIEN » 45 tx. : Donatien LERAY de la Piollerie.
« LE JEAN » 55 tx. : Idem
« LA FIDELE » 40 tx. : Alexis JOUBERT.
« LA SAINTE » 30 tx. : Nicolas PHELIPPOT et consorts.
« LE GABRIEL » 25 tx. : Joulien RICHARD et consorts.
« Le CYR-JEAN » 28 tx. : Le sieur RONDINEAU.
« LE ST-VINCENT » 35 tx. : Le sieur DOSSET et consorts.
« LA PROVIDENCE » 24 tx. : Le sieur de LA NIGARDRAIS.
« LA MARIE-MADELEINE » 20 tx. : Mr. CORMIER, négociant.
« LA JEANNE-JULIENNE » 35 tx. Honoré PERRON.
Nous dûmes prendre, parfois, en direct la vente et la livraison des ports du Nord.
- Le 27 juillet 1729 « LA FIDELE », maître de barque Jean BASTARD avec son équipage de Bourgneuf, 3 matelots et un mousse, part de Bourgneuf pour Dunkerque chargé de sel. Il fera son retour par La Rochelle sur son lest.
- Le 26 septembre : même voyage.
- Le 17 octobre, fait relâche à Audierne allant à
Ostende chargé de sel.
- Le 28 janvier 1730, Bourgneuf-Nantes, chargé d’huile et de savon.
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« LE GABRIEL » Maître de barque Joachin RICHARD avec 2 matelots de Bourgneuf.
Pratiquement, tous ses voyages s’effectueront pour le compte du « PARTY » ou des Gabelles soit de Bourgneuf ou de Beauvoir.
- Néanmoins le 16 août 1729, il partira de Bourgneuf pour Newport avec du sel. Il repassera le 14 septembre à Dunkerque pour filer à Bordeaux sur son lest. Il sera vu à Roscoff le 29. Il devait chercher du fret pour son retour. « LE CYR-JEAN » Maître de barque François MANGUY de Bourgneuf, 1 matelot, 1 mousse.
-Mêmes mouvements vers Nantes.
- Toutefois le 11 janvier 1731, il chargera à Nantes une cargaison de 28 tonneaux de vin pour Redon.
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« LA SAINTE » Maître de barque Nicollas PHELIPOT de Bourgneuf avec 2 matelots et un mousse.
- De juin 1729 à Fin avril 1730 n’effectuera que 2 voyages pour le sel.
- 14 juin 1729 : Nantes-Bordeaux,
chargé de 17 pièces d’indigo (colorant) et de 30 milliers d’ardoises.
- 9 septembre 1729 : Noirmoutier-Saint-Jean-de- Luz, avec un chargement de fèves.
Retour le
- 3 novembre, avec un passager à bord, Honoré Gris de Machecoul, chirurgien de 25 ans.
- 9 février 1730 : Nantes-Redon
Chargé de 700 tufeaux et 6 tx. de fer.
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« LE SAINT-VINCENT » Maître de barque Honnoré PAYRON des Moutiers, 2 matelots.
- peu de voyages connus.
Mais :
Le 5 avril 1730, il effectuera un voyage Nantes-Rouen,
Avec 25 tonneaux de « Selpestre » pour le roy et 19 balles de « cotton ».
Il relâchera au cours de sa route au Port-Louis le 14, et sera vu à Camaret le 15 mai poursuivant sa route vers Rouen. Il en reviendra le 19 juin en passant par Vannes.
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« LA MOÏSE » effectuera un voyage Nantes-Lorient avec une cargaison de 118 caisses d’armes en octobre 1737.
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« LA JEANNE-JULIENNE » de la Bernerie
-Le 18 novembre 1737, partira de Nantes pour Lorient chargée d’environ de 34 tonneaux de « poids fayaux ».
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« LA MARIE-MADELEINE » maître de barque ROCH BARRAUT, 1 matelot, 1 mousse.
- 10 juin 1748, Nantes-Saint-Denis d’Oléron
Chargé de charbon de terre (houille) pour le roy. De retour le 3 juillet à Bourgneuf.
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« LA PROVIDENCE » maître Pierre LE LIEVRE de Bourgneuf, 1 matelot, 1 mousse.
Toujours des chargements de sel pour Nantes (1747-1748), mais des planches au retour, du tuffeaux, de la chaux, des ardoises, du seigle.
A noter, un voyage le 18 mars 1748 à La Roche-Bernard sur ordre. «Le Sénéchal de Nantes, commissaire des Etats de Bretagne, ordonne, sans retardement et avec toute la diligence possible, pour y prendre et transporter à Belle-Isle les fourrages destiné à l’approvisionnement. »
Le 28 mars, au Croisic, on lui enjoindra « d’exécuter promptement les ordres de se rendre à La Roche-Bernard. »
Le 30 mars, il débarquera son fils Pierre qui retournera à Bourgneuf.
- Le 18 avril 1748, à son retour de Belle-Ile il prendra à La Roche-Bernard : un chargement de 30 tonneaux de seigle pour La Rochelle.
Il aura à son bord, son fils ainé Jean de 14 ans comme mousse et son second fils Pierre de 10 ans.
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Mais tous ces voyages ne se faisaient pas sans des naufrages… comme en témoigne l’autorisation d’embarquement ci-après :
« Nous enseigne des vaisseaux du roy, commandant à la tour de Camaret,
Permettons au capitaine Nouel Pausson, de passer dans son navire nommé « Le Saint Ginolé » du Conquet (Le Saint Guénolé) de passer dans son bord le capitaine Du Doit, Marc Cormier et Michel Sorin, provenant du naufrage du navire « La Fleur de lis » de Nantes, d’aller à Bourgneuf et à eux de se présenter à leur commissaire en arrivant.
Fait à la tour de Camaret, ce
15e mars 1735
signé : De Keroullas. »
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Abordons pour terminer, une famille particulière qui à elle seule il faudrait consacrer un ouvrage :
« Les LERAY DES MANDONNIERES », d’où seront issus les :
« LERAY DU FUMET », qui succèdera à Gérard Mellier en 1730 comme maire de Nantes.
« LERAY DE LA CLARTAIS » armateur nantais.
Et bien sur :
« LERAY DE CHAUMONT », grand ami de Benjamin FRANKLIN.
Il est considéré aux Etats-Unis comme plus important que LA FAYETTE, dans la guerre d’indépendance.
Nous retiendrons aujourd’hui que :
« Donatien LERAY DE LA PIOLLERIE »
entre autre, riche armateur de la Baie,
propriétaire foncier et
Fermier général du temporel de l’abbaye de Sainte-Marie.
Il armait 4 navires en 1726 et dans les années suivantes :
2 pour Terre-Neuve : « LA SAINTE-ANNE » de 60 tonneaux et « L’HEUREUX » de 50 tonneaux.
Et 2 pour le cabotage : « LE DONATIEN » et « LE JEAN », l’un de 45 tonneaux et l’autre de 55.
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« LE DONATIEN » : 2 matelots et un mousse.
Maître de barque, Cyr CHESNEAU de La Bernerie.
D’août 1726 à la mi-mai 1729,
- il effectuera 3 voyages à Bilbao dont l’un avec du sucre.
- 3 à Dunkerque, dont pour l’un il aura à son bord : « Pierre Rondineau, de Bourgneuf, agé de 20 ans, venant d’Ostende où il a demeuré un an pour apprendre la langue flamande. »
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Année 1729 :
- Le 11 avril, départ de Nantes pour Bruges avec
122 barriques de sucre.
- Le 6 août, départ pour Dieppe, avec 65 barriques
de sucre et 40 milliers d’ardoises.
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Année 1730
-Le 16 février, départ de Nantes pour Dunkerque,
avec 35 tonneaux de vins et d’eau-de-vie
- Le 3 juin, il partira avec un nouvel équipage pour Saint-Valery (Somme), il y charge différentes marchandises pour Dieppe, où il sera le 12 juillet et repartira pour Saint-Valéry, et de là retour à Nantes.
- Le 31 octobre, Nantes-Rouen
avec 50 tonneaux de différentes marchandises.
Etc.
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Année 1731
- Le 5 avril, il sera chargé à Nantes pour La Corogne avec du vin, de l’eau-de-vie et du sel.
La réputation de l’armateur, le sérieux du maître de barque, les qualités du « DONATIEN » leurs permettrons de prendre des passagers pour la Corogne :
- Demoiselle Marie NORMAND de Nantes fille de Jacques NORMAND, employé dans les Devoirs de Saint-Nazaire,
- Jeanne DUPONT de St. Fleurant le Vieil, fille d’un agent des Gabelles dudit lieu,
-Marthe DAUVERGNE, petite fille de Mr. DAUVERGNE consul à la Corogne, agée de 2 ½ ans.
-Jean DUPUY de La Corogne, négociant,
-Jean-Baptiste PLOMBARD de Nantes,
Ils seront tous débarqués à La Corogne.
Durée du voyage environ 10 jours.
- De retour à Nantes avec J-B PLOMBARD, le 18 mai 1730.
- Le 31, on l’autorisera à retourner à Bourgneuf.
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Nous terminons avec :
« LE JEAN »
qui durant les mêmes périodes, cabotera entre l’île d’Oléron, La Rochelle, Bordeaux, Rochefort, Redon, Beauvoir, Bourgneuf et Pornic.
Il participera activement à l’alimentation des « GRENIERS A SEL DU PARTY », notre dernier partenaire étranger.
- Le 11 décembre 1728, il partira pour La Rochelle chargé de 5 milliers de merrains et de 4 esseyeux de fer.
(Merrains : Bois fendu en planches, de chêne ou de châtaigner, propre à différents usages,
en particulier à faire des douves et les fonds de tonneaux.)
(Esseyeux : s’agit-il d’essieux de charrettes ou pour d’autres engins mécaniques ?)
Nous trouvons dans une cargaison :
« Un rond de moulage », c’est un mécanisme de moulin, l’ensemble des deux meules. Trop lourd pour être transporté par une chaloupe ou une simple barque.
Signalons pour terminer une expédition tout à fait singulière :
- Le 9 septembre 1729, « LE JEAN » embarquera pour Redon :
un chargement de mâts et de « P R U C H E ».
Qu’est « LA PRUCHE » ?
« Une sorte de bière faite avec des jeunes pousses de sapin et qui était consommée à Terre-Neuve. »
Pruche s’écrit aussi bien Pruce ou Prusse.
Correctif du 1er Octobre 2006 :
A la lecture d'un document de 1787 il nous parait plus convenable pour la "Pruche" de dire qu'il s'agit de planches de "prusse". Bois importé en même temps que les mâts, pour la construction.
Source : ADLA